Histoire de l’usine

Histoire de l’usine d’Athus.

Il faut remonter à la moitié du 19e siècle pour situer deux événements déterminants pour l’avenir économique du Sud-Luxembourg :

  • Le premier est la découverte de la « minette » en 1870 dans le bassin de Briez qui vient remplacer avantageusement le minerai d’alluvion, pauvre en fer et dont les gisements locaux sont épuisés.
  • Le deuxième est l’avènement de la ligne de chemin de fer Arlon-Virton en 1862 qui va convaincre les nouveaux maîtres de forges d’investir dans le sud de la Belgique.

 

  1. La SA des Hauts Fourneaux d’Athus

Le 25 juillet 1872, les Barons d’Huart Fernand et Hyppolyte de Longwy, tous deux ingénieurs diplômés de L’Ecole Centrale des Arts et Manufactures de Paris, signent l’acte de constitution de la Société des Hauts Fourneaux d’Athus devant Maître Sellier, notaire à Aubange. L’usine sera érigée autour de deux hauts fourneaux avec gueulard ouvert et 13 fours à coke. Le nombre d’ouvriers s’élève à 170.

Même si les premières années se situent dans une période de récession économique, le perspectives de l’usine sont favorables et un 3e haut fourneau sera érigé en 1876.

  1. La S.A. des Hauts fourneaux et aciéries d’Athus

Quatre ans plus tard, le CA décide de compléter les installations par la construction d’une aciérie Thomas. Le capital est porté à 4 millions de francs et les Statuts modifiés donnent à la Société le nom de Hauts fourneaux et aciéries d’Athus. Les installations comportent entre-autres deux cubilots pour fondre le fer cru, deux autres pour fondre le spiegel, deux convertisseurs, un four à préchauffer les lingots et un marteau pilon. Mais la persistance de la crise économique va contraindre l’usine à arrêter l’aciérie dès 1885.

Avec les années 1890, commence une période de vingt ans où l’usine va connaître des fortunes diverses. Après l’échec de la mise en route de l’aciérie et l’extinction des fours à coke, la seule poursuite d’une activité unique de production de fonte s’avère hypothétique. Continuer la fabrication d’un produit unique qui dégage peu de valeur ajoutée devient impossible. Se pose la question de savoir s’il faut compléter les installations sur place ou s’allier à un autre producteur.

  1. Athus-Grivegnée

Début 1911, le Conseil d’Administration décide la construction d’une nouvelle aciérie et la collaboration avec une autre société pour le finissage. Le 30 mai 1911, leur choix se porte sur la Société Grivegnée qui cherche, elle, à s’allier à un producteur de fonte plus important. Celle-ci est dissoute et fait apport de l’entièreté de son bilan à Athus. La nouvelle Société prend la dénomination de S.A. Athus-Grivegnée. A partir de cette fusion, on peut réellement parler du véritable démarrage de l’usine.

Elle va subir des transformations importantes :

  • Les deux hauts fourneaux sont modernisés et complétés par un gueulard fermé. Les installations de chargement sont également aménagées. Un 3e haut fourneau est édifié. Les 3 hauts fourneaux sont reliés par un pont de chargement. Une nouvelle épuration à sec des gaz est installée.
  • L’ancienne aciérie est démantelée et remplacée.
  • Enfin l’usine se voit dotée d’une installation de finissage qui lui faisait si cruellement défaut soit un train blooming de 850 mm de diamètre, d’une cage à billettes et à largets.

Le personnel dépassera alors 400 hommes et la Société entre ainsi dans le rang des grands exportateurs notamment vers l’empire britannique.

Telle se présente la situation à la veille de la première guerre mondiale qui va, durant 4 ans suspendre son essor.

L’usine est totalement arrêtée dès 1914. Elle servira, dans un premier temps, comme camp d’internement pour prisonniers français d’abord, russes ensuite. En 1917, les Allemands transforment l’usine en fabrique de chariots en bois destinés au charroi de l’armée impériale. Ces affectations, quoique insolites, ont préservé l’outil de la destruction.

1918 : fin de la guerre mais pas des soucis économiques. Le haut fourneau détruit à Grivegnée sera reconstruit à Athus qui devient le seul producteur de fonte pour les deux divisions. Un nouveau laminoir est projeté à Athus pour produire du fil à bobiner.

Afin de reconstituer les stocks de matières premières, la Société rachète la minière de Lamadeleine et devient également propriétaire des riches gisements du Katzenberg près d’Esch/Alzette. Malgré cela, le démarrage de l’usine est fort lent et il reste 112 ouvriers sur le site. Mais bientôt Athus va profiter de la politique du groupe qui concentre toute la production sur un seul site pour diminuer les frais de transport. Un 4e convertisseur est érigé ainsi qu’un laminoir à petits fers, soit le train marchand. Il pourra fabriquer des ronds à béton, des carrés, des plats, des cornières ainsi que des crapauds.

  1. Angleur-Athus

En 1926, la Société prend conscience de sa faiblesse du fait de sa dépendance envers l’étranger de son approvisionnement en charbon. L’intérêt de se trouver au sein d’un groupe plus fort, capable de disposer par lui-même de tous ses approvisionnements incite les Administrateurs à nouer des contacts avec d’autres groupes notamment avec la S.A. des Acièries d’Angleur et des Charbonnages belges.

Le 14 novembre 1927, pour la 4e fois de son histoire, l’usine change d’appellation sociale sous la dénomination de S.A. Angleur-Athus. Le siège social est fixé à Tilleur. Cette délocalisation du centre décisionnel est la 1ère de son histoire. Cette fois le pouvoir de décision repose entre les mains du monde industriel liégeois et du monde financier de la capitale.

Le conseil d’Administration acte la nécessité de moderniser rapidement l’outil.

Un budget de 13 millions est affecté au financement des 1ers investissements qui allaient donner à l’usine son aspect quasi définitif :

  • Un 5e haut-fourneau est érigé
  • Les fours cowpers sont reconstruits et alignés le long des hauts fourneaux, une installation de conduites à air chaud les reliant entre-eux.
  • Construction d’un nouveau mélangeur de 750 tonnes et agrandissement du bassin de coulée.

En novembre 1930, veille de la grande crise, le Conseil décide la transformation du train à fil existant en train à rods par l’adjonction d’une table refroidisseuse mécanique. En ces années, les nouveax patrons ont toutes les raisons d’être optimistes. L’économie se mondialise, offrant de nouveaux débouchés à une sidérurgie qui tourne à plein rendement. A Athus, plusieurs services battent des records de production et les années qui vont suivre n’entraveront pas sérieusement le fantastique essor que connaît l’usine. Comment expliquer ce paradoxe.

La grande crise qui débute le 24 octobre 1929 aux Etats-Unis va bientôt devenir mondiale. Comment vit-on cette situation à Athus ? Jusqu’en 1931, les carnets de commande ne s’emplissent que difficilement et les stocks s’accumulent. Mais fin 1932, la situation s’améliore nettement. Pourquoi ?  Les principaux producteurs d’acier constituent le Cartel International de l’Acier. Il est complété par la création de Comptoirs Internationaux chargés de réguler les exportations. Le marché intérieur est, quant à lui, organisé par le Comptoir de la Sidérurgie belge. L’usine va directement profiter de cette réorganisation. La société mère décide en effet de reporter sur Athus (parce que le prix de revient de cette division est le plus favorable), le déficit de production enregistré à Tilleur. En 1932, un  nouveau train Krupp pour la fabrication de rods est mis en service. D’emblée, il tourne à plein rendement et son utilisation optimale permet d’abaisser le prix de revient de près de 30 francs la tonne. Alors quà l’intérieur du pays, le chômage atteint des chiffres records, en 1934, à Athus, d’autres records sont battus, ceux de production tant aux hauts fourneaux quà l’aciérie ou au laminoir.

C’est à cette époque que la Société rachète les installations de concassage et de classement des laitiers des hauts fourneaux, TARMACADAM. L’usine de Tilleur étant à l’arrêt, Athus se voit attribuer en 34 la fabrication de traverses destinées à l’exportation vers l’Afrique et l’Asie. Athus digère avec beaucoup de facilité ce travail supplémentaire et la production de l’aciérie , la seule en marche pour toute la Société bat tous les records précédents. De plus en plus Angleur-Athus compte sur son usine du sud pour compenser les pertes sévères que continuent d’enregistrer les charbonnages du groupe. Fort de ces résultats, la modernisation peut recommencer. En janvier 34 est décidée la construction d’un haut fourneau moderne tandis que l’aciérie est dotée d’un 5e convertisseur.

En 39, l’Angleterre qui, pendant les années de crise, avait pratiqué une politique hautement protectionniste, ouvre à nouveau ses frontières et en 40, Athus produit le record historique de 34.237 tonnes d’acier. L’usine occupe à ce moment 1700 hommes. Mais la seconde guerre mondiale va stopper net cette période prometteuse.

De 43 jusqu’en juin 44, l’occupant commande de fabriquer des billettes en acier dur dit « presstahl » ce qui préserve l’outil de tout dommage majeur.

 

  1. Athus sous Cockerill

Au lendemain de la libération, le redémarrage est lent et aggrave la situation financière. Dans ces conditions, il est difficile de songer à un rééquipement et, pour la troisième fois de son histoire, l’usine voit ses patrons prendre contact avec d’autres sociétés sidérurgiques. Et assez naturellement, ce sont les voisins Liègeois, la S.A. John Cockerill qui sont approchés. L’usine de Tilleur, vidée de ses installations par les Allemands, constitue une intéressante posssibilité d’extension pour sa voisine. Durant ce temps, l’usine d’Athus est privée pendant de longues semaines du moindre arrivage de matières premières. Il n’y avait vraiment plus d’espoir de sauver ce qui pouvait l’être que par une fusion avec un groupe plus solide. Mais cette fois, il s’agit d’une véritable absorption. La S.A. Athus-Angleur est liquidée le 28 mars 1945. Le même jour, Cockerill reprend tout l’actif et passif de son ex-rivale. C’est ainsi qu’Angleur et Athus disparaissent à jamais des raisons sociales des Sociétés sidérurgiques. L’usine d’Athus est cependant sauvée. C’est en fait la proximité des concessions minières grand-ducales et françaises qui est l’argument décisif qui lève les hésitations du 1er Conseil d’Administration réuni après la fusion. Après une mise en route plus que laborieuse, l’approvisionnement s’améliore grâce à l’apport de minerai en provenance des concessions de Steinfort.

En cette fin de moitié du XXe siècle, l’usine tourne à nouveau à plein rendement et de nouveaux investissements sont programmés :

  • En 50 : construction d’un moulin à scories
  • En 51 : construction de l’usine à oxygène

L’essor enclenché au commencement des années 50 s’amplifie et les chiffres du personnel  occupé atteignent des sommets : 2.562 travailleurs en 1956.

Les investissements se poursuivent également :

  • En 1953, le CA décide de moderniser le gros train ainsi que le train à fil
  • Les installations de manutention des charges des hauts fourneaux sont totalement renouvelées et automatisées.

A Athus les carnets de commande restent bien remplis et divers aménagements, mineurs cependant, sont entrepris : l’installation d’une grue de coulée à l’aciérie et d’un atelier dolomitique.

Alors que la S.A. J. Cockerill prend le nom de Cockerill-Ougrée suite à une politique d’extensions et de fusions avec d’autres entreprises, Athus voit son avenir régulièrement remis en cause. En 59, une étude de rentabilité médiocre incite Cockerill à confiner l’usine dans une production dégageant peu de valeur ajoutée : les produits longs.

En 60, la Société acquiert pour son usine du Sud la licence exclusive de fabrication et de vente d’acier TOR en Belgique, au Luxembourg et la République du Congo. Ce procédé permet la production d’aciers d’armature pour béton armé. Le  train 300 est aussitôt spécialisé pour le laminage des ronds qui pourront être torsadés à froid. La production des traverses est arrêtée au train marchand.

Un souci nouveau s’ajoute aux interrogations des responsables techniques de l’usine. La qualité du minerai lorrain dont la teneur en fer est déjà pauvre, baisse encore suite à une mécanisation toujours plus intense de son extraction. Pour remédier à cette situation, le C.A. du 4 juillet 60 suggère de construire une unité technique de préparation des charges et d’agglomération des minerais dont les installations devraient livrer aux hauts fourneaux des mélanges avec une teneur en fer de 40%. Mais une fois pour toute, la Société a décidé de ne confier à Athus qu’une production peu élaborée, destinée à une consommation de masse, la situation géographique de l’usine devenant aux yeux de beaucoup un handicap trop lourd. Manifestement toutes les décisions stratégiques d’avenir que prend Cockerill ne concernent pas le Sud-Luxembourg. On se contente d’y maintenir l’outil.

Au milieu de l’année 68, tout semble se liguer contre Athus. Non seulement, la demande en acier est globalement en recul mais une décision du Comité ministériel de Coordination Economique et Sociale accorde aux sidérurgistes du bassin de Charleroi une subvention de 150 millions de francs par an pour le transport des minerais lorrains. Cet avantage s’ajoute aux tarifs préférentiels alloués par la SNCB et annule le seul atout dont jouissait encore Athus par rapport à ses concurrents, à savoir la proximité du bassin minier lorrain. Le 17 octobre, lors de la visite du roi à Athus, les représentants des travailleurs lui font part de leurs inquiétudes.

Après de longues négociations avec le Ministère des Affaires Economiques, Cockerill consent à investir à Athus mais en confinant toujours l’usine dans la fabrication des ronds à béton. Parmi les arguments avancés, notons sans doute la pression gouvernementale qui veut éviter de voir rayée de la carte la seule entreprise importante de la province. Mais il y a surtout l’amorce d’une reprise significative du marché. La fin de l’année 1969 est exceptionnelle pour Athus car de nouvelles normes préconisant l’utilisation de l’acier de type TOR et QUAREL en matière de travaux publics sont officialisées. Enfin, aboutissement d’une longue négociation, Athus obtient enfin à son tour une subvention de 45 millions de francs pour compenser les tarifs défavorables qui lui sont appliqués en matière de transport des produits finis et du coke. En septembre, le record mensuel de production du train à rods est battu. Le 2 février 1970, le C.A. accorde les crédits pour l’installation d’un bottelage automatique au train 300 et d’un retourneur à barres au blooming mettant un terme à un travail aussi dangereux que pittoresque que celui des « sauteurs à la clé ». Dès 1970, suite à un affaiblissement de la demande des produits longs et une augmentation des coûts des matières premières, Athus comme l’ensemble des sidérurgistes européens ralentit sa production. Cependant en 1971, le train 345 est mis en service. Même si Athus respecte son programme de laminage, le 2e semestre de 1972 accentue les difficultés. Je laisserai à Jean-Paul le soin d’analyser les raisons économiques qui ont amené progressivement Cockerill à  lâcher Athus et quelles ont été les raisons qui ont permis la fusion de Rodange et Athus par la création en 1973 de la S.A. La Metallurgie et Minières de Rodange-Athus. Là commence pour Athus une lente agonie qui durera 4 ans encore.